Les photographies
L'histoire de l'art est très liée à l'histoire des mécanismes
de la vision. Les artistes se sont efforcés de mettre en œuvre
des systèmes de compréhension de l'espace leur permettant de
représenter une réalité observée. La géométrie
et les traités d'optique de l'Antiquité concourent à
établir une géométrisation de l'espace qui deviendra
le fondement des règles de la perspective conique. Depuis Aristote,
le principe de la camera obscura était connu, mais ce sont les perfectionnements
de l'optique qui ont permis la mise au point d'une machine permettant son
utilisation dans le domaine du dessin, dès le XVIe siècle. La
captation des images passe encore par la main de l'artiste qui interprète
et cadre l'espace infini qui l'entoure. Avec la possibilité de conserver
l'image produite par la chambre noire, la photographie établi en quelque
sorte la conclusion d'une évolution commencée à la Renaissance,
offrant à tout un chacun la possibilité de capturer des portions
de la réalité qui l'entoure. En devenant une industrie, la photographie
s'arroge le droit de dire ce qui est la réalité, en établissant
une preuve. Sans cette preuve, la réalité n'existe pas.
Les tirages papiers salés d'après calotypes sont des images
volées sur le Net, retravaillées sur informatique. Après
cette première phase de captation et de fabrication des négatifs,
entre en jeu un univers quasi alchimique avec la transformation de l'argent
pur en une solution photosensible, susceptible de faire apparaître,
grâce aux rayons du soleil, une image qui se conservera dans le temps.
Un passage entre une technique découverte dès l'invention de
la photographie au milieu du XIXe siècle et la profusion d'images proposées
au regard par le biais de l'Internet. Les images produites sont présentées
selon les archétypes de présentation des photographies anciennes,
dimensions réduites, vitre et cadre sobre, passe-partout blanc muséal.
Images volées
Dès son invention, la photographie devient un nouveau moyen de conservation
des “images“ et sera utilisé pour enregistrer le fantôme
des présences féminines, avec l'alibi de donner aux artistes
des modèles immobiles et accessibles à tout moment ou pour des
raisons beaucoup moins avouables. L'image de la nudité facile est entrée
dans un circuit de distribution qui est devenu planétaire avec l'Internet.
Accessibles, des images, érotiques ou franchement pornographiques,
étalent en couleurs RVB les intimités les plus variées.
Les galeries d'ici, ne sont pas d'art mais sont des portes entrouvertes vers
des visions encore
plus crues, encore plus "hot", plus "hard", plus "trash",
plus interdites. Pay for view...
De ces galeries où par milliers les imagettes "de choix"
proposent du "HD" à télécharger gratuitement,
je vole des détails, probablement invisibles à leurs propres
auteurs, que je ramène en butin sur mon disque dur. Puis la cuisine
commence...
Tout d'abord, traitements informatiques, recadrages, changements de mode,
inversions, impression... Un négatif est imprimé sur papier.
L'image interdite entre dans un processus d'esthétisation, rejoignant
la définition donnée par Henry Fox Talbot (1800 - 1877) pour
son invention, le mot "calotype" ayant été créé
en associant les racines grecques de "Kalos" et "typos",
"l'écriture du beau".
Puis, plongée dans la préhistoire de la photographie. De l'argent
pur se volatilise dans de l'acide. "Pierre infernale" et sel de
cuisine vont se combiner pour rendre visible la progression de la lumière
et conserver sa trace sur du papier.
Les fugaces images du web se retrouvent immortalisées, pour un temps,
grâce à l'action de la lumière.
Texts about photogenic drawings
The
photographs
History of art is very much linked to the history of the sight’s mechanisms.
Artists have made every effort to implement systems of comprehension of space
that enables them to represent an observed reality. Geometry and treatises
of optics written in ancient times work towards fixing a geometrisation of
space that will become the foundation of the conical perspective’s rules.
The principle of the camera obscura was known since Aristotle, but it is the
perfecting of optics, since the XVIth century, that has given rise to the
development of a machine that enables its use in the drawing’s field.
The seizing of the images is still done by the hand of the artist who interprets
and centres the infinite space that surrounds him. With the possibility to
preserve the image that is produced by the dark room, photography establishes
in a way the conclusion of an evolution that has begun during Renaissance,
offering to everyone the possibility to seize portions of the surrounding
reality. By becoming an industry, photography assumes the right to tell what
is reality, by establishing a proof. Without this proof, reality doesn’t
exist.
The salt papers printings from calotypes are images that are stolen on the
Internet and worked again on computer. After this first stage of the seizing
and the fabrication of negatives, an almost alchemistic universe appears with
the transformation of the pure silver into a photosensitive solution that
is capable of making appear an image that will preserve itself, thanks to
the sunbeams. A passage between a technique that was discovered since the
invention of photography in the middle of the XIXth century and the profusion
of images that are offered to the gaze via the Internet. The created images
are presented according to the archetypes of the old photographs presentation
: reduced dimensions, sober glass and frame, muséal white journ filler.
Stolen images
Since its invention, photography becomes a new way of preserving images and
will be used in order to memorize the shadow of feminine presences, with the
alibi of giving to the artists still and accessible models, constantly or
for much less confessable reasons. The image of the easy nudity has entered
into a circuit of distribution that has become planetary with the Internet.
Accessible, erotic or openly pornographic images display the most various
intimacies in RBG colours. Here, the galleries are not artistic, but are half-opened
doors to even more crude, even more “hot”, more “hard”,
more “trash”, more forbidden visions. "Pay for view"…
From these galleries where thousands of pixes “of choice” propose
“HD” to download for free, I stole details, probably invisible
for their own creators, that I bring back on my hard disk as a booty. Then,
the cooking begins…
At first, reframing, changing of mode, inversions, printing … A negative
is printed on paper. The forbidden image enters into a process of aesthetisation,
being akin to the definition given by Henry Fox Talbot (1800-1877) to his
invention ; the word “calotypes” being created by associating
the Greek roots of the word “Kalos” and the word “Typos”:
“the writing of what is beautiful”.
Then, a plunge into the prehistory of photography. Some pure silver volatises
itself into acid. “Infernal stone” and cooking salt will combine
together in order to make the progression of the light visible and to preserve
its trace on paper.
For one time, the fleeting images of the Internet are being immortalized,
thanks to the action of light.